François FILLON dans Vous avez la parole sur France 2, qu’en penser ?

Hier soir marquait le retour médiatique en France de François FILLON, candidat malheureux à la Présidentielle de 2017. Autant le dire tout de suite, on pouvait s’attendre à du lourd et à une interview sans concession, connaissant Léa SALAMÉ. Et on n’a pas été déçu. Tout a été mis sur la table. L’ancien Premier Ministre de Nicolas SARKOZY a répondu sans détour aux questions sur l’affaire dite du «Pénélope Gate», du prénom de sa femme. Il a en revanche esquivé un certain nombre de questions sur la politique actuelle et le monde politique d’aujourd’hui, refusant de distribuer les bons et les mauvais points, en estimant que c’était désormais du passé pour lui, vu qu’il s’est retiré de la vie politique active et n’y retournera pas. Il l’a confirmé.

Il a ceci dit de nouveau attaqué l’ancien Président de la République François HOLLANDE, ainsi que Jean-Jacques URVOAS l’ancien Garde des Sceaux et son ancien porte-parole Thierry SOLÈRE, aujourd’hui Député du Groupe LaREM à l’Assemblée Nationale. En revanche, aucune attaque concernant Nicolas SARKOZY ni bien d’autres à Droite. Sauf un… Robert BOURGI, qui a dit dans la soirée sur LCI concernant Nicolas SARKOZY que c’était un «pote», et qu’on «ne touche pas à mon pote». François FILLON a dit qu’il avait eu tort de faire confiance au sulfureux avocat et tort également d’accepter ses costumes en voyant les conséquences pour lui durant la suite de la campagne, quand celui-ci lui a rétorqué par médias interposés qu’il avait la mémoire plutôt courte.

Il a  en revanche montré une certaine amertume quant au fait d’avoir été lâché durant sa campagne par certains qui le soutenaient jusqu’ici, parfois même depuis le début et au plus haut niveau (Patrick STÉFANINI appréciera, et l’ancien Maire d’Orléans candidat pour récupérer son fauteuil Serge GROUARD fera certainement de même, pour ne citer que ces deux-là). Mais de règlements de compte, point. Il n’était pas venu pour cela et a rappelé avoir tourné la page de la vie politique, donc qu’il ne répondrait pas à des questions portant sur ces sujets, ce qui a été le cas. Il n’a ni les moyens ni l’envie de se lancer dans une enquête fouillée pour faire une sorte de chasse aux sorcières et tenter de démasquer qui lui a vraiment voulu du mal. Fabrice LHOMME, invité de la seconde partie de l’émission, et qui ne passe pas pour être un tendre vis-à-vis de FILLON, a prétendu que cela venait de la Droite et non pas de HOLLANDE, ajoutant ne pas comprendre pourquoi FILLON s’obnubilait dans cette thèse du complot qui viendrait de la Gauche, reconnaissant à FILLON un traitement exceptionnel de son cas au niveau judiciaire.

On n’a jamais vu en effet une personne voir une enquête préliminaire déclenchée contre elle le jour-même de la sortie d’une affaire le ou la concernant, aboutissant à la nomination sous trois jours d’un juge instructeur, qui le mettra en examen avec une célérité jamais vue ! Qui plus est, on a préféré attendre que le plus orthodoxe de la procédure (mais contre FILLON politiquement puisque membre ou ex-membre du Syndicat de la Magistrature), Serge TOURNAIRE pour ne pas le nommer revienne à son poste plutôt que de nommer le magistrat qui était de permanence le mercredi où l’affaire a éclaté via le palmipède complètement déchaîné. Dans ce cas, pourquoi ne pas attendre encore un peu plus pour prendre le temps d’éplucher correctement le dossier, ce qui n’a pas été fait dixit François FILLON, qui a expliqué que certains documents de la procédure n’ont pas été lu ne fût-ce qu’en partie par les magistrats instructeurs avant de l’interroger, entraînant selon lui une procédure uniquement à charge ? On est en droit de se poser la question. Le procès, a dit FILLON, lui permettra d’apporter la preuve de sa bonne foi et de dire la vérité aux juges, impartiaux et équitables ceux-là. Sous-entendu, les autres qui se sont occupés de son cas jusqu’ici ne le sont pas. Pas sûr qu’ils apprécient outre mesure, mais ils ne devraient théoriquement plus s’occuper de François FILLON puisque le procès approche à grands pas (début prévu le lundi 24 février prochain) et que donc il y aura de nouveaux juges en charge du déroulement du procès.

Pour info, JAMAIS un candidat à la Présidentielle n’avait été inquiété durant la campagne pour la Magistrature Suprême (comprendre la Présidence de la République) jusqu’ici. Mieux, JAMAIS en plus de 100 ans d’existence «Le Canard Enchaîné» n’avait fait deux semaines de suite sa «Une» sur la même personne ! [Sic] Pas même lors de l’affaire des Diamants de BOKASSA qui dit-on, a coûté sa réélection à Valéry GISCARD D’ESTAING, le Président d’alors. [re-Sic]

Alors que penser de sa prestation d’hier soir ? Certes, il a éludé certaines questions, mais il avait annoncé la couleur dès le départ après tout. Certes aussi, à un ou deux moments, il a semblé manier la langue de bois, mais seulement à un ou deux moments, et non pas tout le temps comme d’autres le font par trop souvent hélas.

En revanche oui, il a été sincère, franc, égal à lui-même à mesure que l’interview avançait. Il est resté droit dans ses bottes. Il ne reconnaît qu’une erreur, c’est d’avoir accepté les costumes offerts par Robert BOURGI, et a un regret, c’est d’avoir prononcé la phrase que tout le monde lui sort régulièrement à chaque fois pour l’attaquer, ou le mettre face à ses contradictions ou la situation actuelle éventuellement. Naturellement, Léa SALAMÉ, Thomas SOTTO et l’équipe de l’émission dont la rédactrice en chef Alix BOUILHAGUET n’ont pas manqué de le faire, mais c’est de bonne guère et puis cela servait l’interview après tout. Au départ, il semblait un peu tendu et pas très à l’aise (Franz-Olivier GIESBERT l’a noté dans la seconde partie de l’émission), mais il a peu à peu repris le dessus et l’on a alors retrouvé le François FILLON que l’on connaît, plutôt sûr de lui, droit dans ses bottes, en véritable animal politique qu’il est en fait.

Cela dit, il n’a pas caché (soit par choix soit parce que n’ayant pas réussi à le faire, on ne sait exactement) son amertume et une certaine (profonde ?) blessure au fond de lui. Bruno RETAILLEAU a fort justement dit de lui en bon connaisseur qu’il est de notre ancien Premier Ministre qu’il a une sorte de carapace derrière laquelle il se réfugie, de telle sorte qu’on ne sait pas forcément s’il est touché ou pas. Mais là, il l’a été et «ça se voyait» a dit Bruno RETAILLEAU, le chef de file des Sénateurs Républicains au Sénat et habitant des Pays-de-Loire comme François FILLON (en Vendée contre la Sarthe pour FILLON). Le coup a dû être rude au point que cela se voit, au vu des dires du Président RETAILLEAU. Hier soir, ce n’était peut-être pas autant qu’en 2017 quand les coups n’ont pas arrêté de pleuvoir sur lui sans même qu’il ne puisse reprendre sa respiration, mais ça se voyait en creux malgré tout.

Concernant la politique et l’état de la France actuellement, il a dit que l’état actuel lui paraissait grave, que les populistes (qu’il qualifie de «démagogues») et les extrêmes pourraient arriver au pouvoir dans plus de pays encore, et que s’ils ne sont pas encore arrivés au pouvoir en France, c’est grâce aux institutions de la Vème République. Il a défendu l’institution Parlementaire et a admis que le fait que les Parlementaires embauchent leurs proches (membres de leurs familles respectives notamment) pouvait aujourd’hui choquer, mais qu’il ne l’avait pas vu venir ni compris à l’époque. C’était un autre temps en fait où nombre de Parlementaires le faisaient (c’était parfaitement légal au passage). Il renvoyé dos-à-dos Donald TRUMP et Greta THUNBERG, critiquant le fait que l’un est démagogue et l’autre l’est aussi dans le fond, raillant les écologistes et cette forme de dictature de la pensée qu’ils voudraient nous imposer : on n’a plus le droit d’être contre les idées des écologistes et d’avoir des idées différentes sous peine d’être traité de tous les noms (et pourquoi pas de climato-sceptique tant qu’on y est, même si l’on dit éventuellement la vérité quand les écologistes nous soutiennent le contraire ?) a-t-il dit en creux.

Au sujet d’Emmanuel MACRON, il a reconnu qu’il faisait des réformes qui allaient dans le bon sens. «J’aurais fait différemment et sans doute plus vite, mais MACRON fait des réformes qui vont plutôt dans le bon sens» a-t-il dit. Son programme parle d’ailleurs pour lui. Il a reparlé de cette histoire de «l’âge pivot» estimant que de toutes façons, dans un pays où nous travaillons moins par semaines (35h contre 39 ou 40 voire même un peu plus ailleurs), avec une durée de cotisation plus courte (même s’il l’a rallongé et a décalé l’âge de la retraite à 62 ans), vu la démographie actuelle de la France, vieillissante, il va falloir travailler plus tard donc plus longtemps pour équilibrer le système de retraites. C’est la première chose à faire pour lui, avant même l’instauration du système de retraites à points, dont il avait dit il y a quelques années qu’il permettait de baisser la valeur du point, donc de diminuer les pensions de retraite. À quoi il s’est justifié hier soir en disant que dans son esprit, à l’époque, cela voulait aussi dire le contraire, à savoir la possibilité d’augmenter la valeur du point, donc d’augmenter les pensions de retraites, l’idéal étant de pouvoir avoir recours à cette solution, sachant que l’autre (celle de la baisse) peut permettre de ramener à l’équilibre le régime de retraites (il était revenu à l’équilibre l’année dernière, mais recommence à repartir dans le rouge malheureusement).

Il reste donc de ce passage à la télévision Française, une première depuis le 23 avril 2017 faut-il le rappeler (!!!), une impression d’avoir vu quelqu’un qui reste droit dans ses bottes, regrette peu de choses et attend son procès pour pouvoir dire sa vérité («la vérité» selon ses propres mots) à l’institution judiciaire. On a également vu un ancien Premier Ministre qui refuse de distribuer les bons et mauvais points, qui a définitivement tourné la page de la vie politique active (sa femme, élue municipale dans la Sarthe, pourrait en revanche chercher à rempiler a-t-il confié). Ses supporters seront déçus qu’il ne revienne pas et ce définitivement, ses opposants seront ravis, les autres diront que c’est peut-être du gâchis. Mais les faits sont là.

Ceci dit, il est un adage que François FILLON et ses supporters, mais peut-être surtout ses opposants devraient méditer, c’est celui-ci. Que ce soit Jacques CHABAN-DELMAS en 1974, Jacques CHIRAC en 1981, Raymond BARRE en 1988, Édouard BALLADUR en 1995 ou bien encore Lionel JOSPIN en 2002, AUCUN n’est parvenu à rallier le 2nd tour de la Présidentielle. Certes, tous les autres derrière aussi, mais eux ont TOUS finis 3ème, et à l’exception de CHABAN-DELMAS en 74, ils n’ont pas été très loin derrière le 2nd ! Point commun entre eux ? Ils se présentaient POUR LA PREMIÈRE FOIS à l’élection Présidentielle APRÈS leur passage par la case Matignon ! La seule exception à cet adage aura été Georges POMPIDOU en 1969. Mais lui a fait campagne après que le mandat de son prédécesseur se soit arrêté par décision dudit Président d’alors (le Général de GAULLE en l’occurrence), lequel avait démissionné. Pour les autres, le mandat du Président arrivait à son terme (sauf Georges POMPIDOU dont le mandat s’est terminé brutalement et prématurément du fait de son décès en raison de sa maladie).

Or si l’on regarde bien le cas François FILLON de près, on constatera que cet adage s’est là aussi répété. Alain JUPPÉ, bien que Premier Ministre bien avant François FILLON (1995-1997 en l’occurrence pour «le meilleur d’entre nous» comme le surnommait le regretté Président Jacques CHIRAC), n’aurait lui aussi eu strictement aucune chance d’accéder au second tour. C’est en revanche tout l’inverse en ce qui concerne les autres candidats à la Primaire de la Droite et du Centre qu’étaient Jean-Frédéric POISSON, Jean-François COPÉ, Nicolas SARKOZY, Bruno LE MAIRE ou la seule femme de cette Primaire ouverte, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, aussi surprenant cela puisse-t-il paraître. Eux n’ont JAMAIS été Premiers (ou Première) Ministre. Lionel JOSPIN lui avait certes rallié le 2nd tour de la Présidentielle en 1995 en arrivant en tête avec un peu plus de 23% des voix, mais il n’était pas encore passé par la case Matignon. Une fois qu’il y est passé, son sort était scellé pour 2002 (ou la première où il se serait présenté après s’il ne s’était pas présenté en 2002).

CQFD : François FILLON voudrait revenir dans le jeu politique et briguer à nouveau la magistrature suprême, il aurait cette fois-ci TOUTES ses chances ! Sauf à ce que la justice n’en décide autrement, et personne ne sait ce qu’il en sera à l’heure qu’il est.

 

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