Fallait-il réformer les retraites dans notre pays ? La réponse est OUI. Le Président MACRON avait raison d’en parler lors de sa campagne électorale, car nous ne pouvons plus reculer.. Il y a en effet de moins en moins d’actifs pour de plus en plus de retraités. L’équation est simple : si l’on ne fait rien, il y a aura bientôt plus de retraités que de cotisants. Alors qu’on a été jusqu’à avoir 2,6 cotisants pour un retraité. CQFD ! La question n’est donc pas OUI ou NON, mais COMMENT.
Et c’est là que ça se corse. Fallait-il en effet pour autant faire la réforme telle qu’elle a été proposée et adoptée (au forceps, mais on y reviendra plus tard, car la méthode a de quoi interroger et a entraîné pour partie ce que nous vivons à l’heure où ces lignes sont écrites) ? La réponse est ici NON ! Et assurément… Pourquoi ? Parce que la réforme, sur le fond, telle qu’elle est proposée dans sa version initiale, va paupériser une partie de la population. Oui, chacun doit faire des efforts pour maintenir notre régime de répartition auquel nous sommes toutes et tous très attachés, moi compris. Mais oui aussi, nous ne pouvons pas pour autant réformer et paupériser des gens dans l’histoire. Les femmes aux carrières hachées parce qu’ayant eu des enfants vont y perdre, et pas qu’un peu apparemment si l’on s’en tient à la version initiale. Et les carrières longues sont bien insuffisamment prises en compte dans cette version de base. Impensable et inenvisageable pour beaucoup de gens et à raison.
Partant, LR, qui a porté et porte une réforme systémique des retraites depuis des lustres, et ses soutiens dont Les Centristes où je suis, ont proposé des amendements pour améliorer la réforme. Il y avait aussi l’index Senior, qui a été revu et amélioré grâce aux Sénateurs LR (le Gouvernement a cédé pour obtenir le vote majoritaire des Sénateurs LR, faute de quoi, il y aurait eu bien plus de Sénateurs LR qui n’auraient pas voté la réforme, car certains ont voté contre). Parmi les améliorations proposées, la meilleure prise en compte des carrières hachées des femmes ayant eu des enfants, et… les carrières longues et leur durée de cotisation.
Sauf que là, le bas blesse et pas qu’un peu. Le Gouvernement avait annoncé fanfaronnant que la réforme était bénéfique et positive pour les carrières longues. Ce n’est pas faux, la réforme leur apportait du mieux, mais pour la justice, on repassera. En effet, les personnes aux carrières longues devaient cotiser 45 ans (45 annuités dans le jargon) pour obtenir leur retraite à taux plein. La durée requise devait passer à 44 ans. Un an de moins, top, et bénéfique diront les partisans de la réforme. Oui mais voilà, la durée générale de cotisation passe dans le même temps quant à elle de 42 à… 43 annuités. Soit une année de plus à devoir cotiser ! Où est la justice, sachant que ceux qui ont des carrières longues ont donc commencé à travailler tôt et n’ont pas forcément des métiers extrêmement valorisants ou qui sont parfois (très) durs et éprouvants ? LR a donc demandé par la voix de Véronique LOUWAGIE, Députée de l’Orne, que soit étudiée la question. La Première Ministre, fait assez rare, lui a répondu en personne. Ce n’est pas tous les jours que la Première Ministre ou le Premier Ministre répond directement aux Députés de l’opposition pour leur annoncer qu’il ou elle tient compte de leur(s) demande(s) et va amender tel ou tel texte dans ce sens. Mais là, ça a été le cas. Élisabeth BORNE a donc annoncé que le Gouvernement tiendrait davantage compte des carrières longues et que ceux qui ont commencé à cotiser à 17 ans pourraient du coup partir à la retraite à 60 ans, soit après 43 annuités de cotisation, ceci grâce à un amendement Gouvernemental déposé en ce sens. Bien vu.
Oui mais voilà, il fallait s’y attendre, ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Parce que si la Première Ministre a bien parlé de ceux qui ont commencé à cotiser à 17 ans, elle n’a pas parlé de ceux qui ont commencé à 14, 15, 16, 18, 19 ou 20 ans ! Et pour cause… Ce sont en effet les carrières longues comme on les appelle qui vont financer la réforme des retraites dans l’idée de départ de l’Exécutif ! Et certains LR ne s’y sont pas trompés en y regardant de plus près, de même que d’autres Députés de d’autres Groupes dont Charles de COURSON, le Député Les Centristes de la Marne, membre du Groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mers et Territoires), qui a déposé la motion de censure, rejetée seulement à… 9 voix près. Aurélien PRADIÉ a par exemple dit que le compte n’y était pas. Et à raison. En effet, avec l’amendement du Gouvernement sur les carrières longues, on aboutit à une véritable usine à gaz ! Pour faire très simple : les personnes qui auront commencé à cotiser à 14, 16, 18 ou 20 ans devront cotiser 44 annuités quand celles qui auront commencé à cotiser à 15, 17, 19 ou 21 ans ne devront cotiser que… 43 annuités ! Concrètement, cela veut dire que si vous avez commencé à cotiser à 16 ou 17 ans, vous prendrez votre retraite à 60 ans. Et si vous avez commencé à cotiser à 18 ans et un ami à 17 ans, alors vous prendrez votre retraite à 60 ans quand lui, pour une seule année de différence dans l’âge de début de cotisation, la prendra deux ans plus tard !!! Ubuesque, à n’y rien comprendre, mais pourtant vrai !

Du coup, certains Députés de Groupes qui ne cherchent pas à bordéliser l’Assemblée Nationale à l’inverse des Insoumis et EELV plus certains des autres composantes de la NUPES (heureusement rares dans ces autres composantes) ont déniché le lièvre, et ont sonné la charge. Aurélien PRADIÉ, le Député du Lot, trublion de la Droite sur cette question, a par exemple dit qu’il ne voterait pas la réforme si les carrières longues n’étaient pas mieux prises en compte. Traduire : si les personnes aux carrières longues ne cotisent pas toutes le même nombre d’annuités, alors ce sera sans moi. D’autres l’ont également dit comme Pierre-Henri DUMONT, Député du Pas-de-Calais, ou Ian BOUCARD, le Député du Territoire de BELFORT. Et hors Parlement, Xavier BERTRAND l’a dit aussi, qui milite pour de la justice, notamment sociale, et qui dit qu’il faut réformer, mais pas ainsi. Il a même dit qu’il ne voterait pas la réforme actuelle s’il était Parlementaire, ce qu’il n’est plus rappelons-le. Mais il est ancien Ministre qui a été en charge de ces questions, donc il connaît plutôt très bien le dossier de fait. Partant, l’enfant se présentait mal.

Il fallait donc modifier et corriger les choses. Et vite, sinon, même en caressant dans le sens du poil de manière presque excessive Les Républicains, cela risquait de ne pas fonctionner. Et ça n’a pas fonctionné. Car même si les appels du pied et les concessions ont été nombreuses, elles n’ont pas été suffisantes pour emporter l’adhésion de la majorité des Députés LR, et à juste titre puisque les concessions étaient pour beaucoup ou insuffisantes, ou à côté de la plaque, puisque créant une injustice flagrante comme avec les carrières longues. Certes, il y a bien eu l’allongement de la durée de cotisation, qui était une des batailles de LR, mais cela ne suffit pas. Heureusement qu’en CMP (Commission Mixte Paritaire), il a été validé la modification du fameux «Index Senior» (qui pourrait pourtant s’avérer inconstitutionnel d’après certains spécialistes, on verra bien ce qu’en diront les Sages de la Rue de Montpensier), car sinon, il n’y aurait peut-être pas eu de vote aussi large de la Majorité LR Sénatoriale. Stéphanie RIST, la rapporteure de ce texte au Palais Bourbon a dû céder, et apparemment, au départ, elle ne voulait absolument pas de cette modification.
Mais ce n’est pas tout. Le Gouvernement, comme si cela ne suffisait pas, n’a pas été capable de défendre correctement sa réforme, qui est la seule grosse promesse électorale d’Emmanuel MACRON, qui a à peine pris le temps de faire campagne l’année dernière, persuadé qu’il était qu’il serait de toutes façons réélu (quel mépris pour les électrices et les électeurs !). Il avait au passage dit qu’il reconnaissait qu’il avait été réélu par un vote contre Marine LE PEN, et non par un vote d’adhésion le soir de sa réélection. Mais là, il nous dit qu’il a eu 58,5 % des gens qui ont voté pour lui en adhérant à son projet !!! On croit rêver… Sauf que non, malheureusement, on ne rêve pas. Il se trouve que le Gouvernement avait promis que dans la réforme des retraites, il y aurait un minimum à 1200€. Cela devait concerner nous a-t-on dit côté Exécutif 1,2 million de personnes. Puis cela a diminué, et encore diminué pour arriver à environ seulement 20 000 personnes. Et encore ! Le Gouvernement, dont Olivier DUSSOPT, pataugeait et n’arrivait pas à se sortir de la boue et était incapable de bien présenter cette mesure, pourtant pas mal au départ. Il faudrait une carrière complète pour en bénéficier sous conditions de revenus si j’ai bien compris (même moi, j’ai eu du mal à comprendre et n’ai d’ailleurs toujours pas très bien compris). Personne n’y comprend plus rien. Alors si même les auteurs et concepteurs de cette mesure n’y comprennent rien, où va-t-on ? C’est la fin des haricots. Imaginer dans ce cas une seule seconde convaincre l’opinion et les premiers concernés ainsi que les partenaires sociaux relevait dès lors de la gageure ! Et c’était quasi mission impossible, et l’a été.
Comme si cela ne suffisait pas, l’Exécutif a réussi la prouesse de se mettre à dos les syndicats dits réformateurs et plutôt pro réforme, avec en tête la CFDT de Laurent BERGER et Marylise LÉON. La CFE-CGC, l’UNSA et la CFTC ont aussi sonné la charge. Bref, de créer une unité syndicale parfaite pour dire non (pour des raisons différentes suivant les syndicats). Du jamais vu depuis bien longtemps. Pourquoi l’Exécutif a réussi cette prouesse ? Parce qu’il s’est arque-bouté sur le décalage de l’âge de départ à la retraite, qui était la «ligne rouge» pour la CFDT. Pas fichu de les écouter et tenter de trouver une autre solution. Et pourtant, il y avait de quoi, car si l’on augmente la durée de cotisation, on augmente de fait le départ de l’âge à la retraite de façon mathématique et quasi automatique. Pourtant simple à comprendre… C’est presque du niveau CM1.
Pire, le Gouvernement, pour un texte aussi explosif que celui-ci, qui est une réforme sociétale nécessaire, n’a pas voulu prendre le temps d’un vrai débat ni s’en donner le temps. Il a agi comme s’il y avait une urgence vitale (comme par exemple, boire lorsqu’on a pas pu boire depuis plusieurs jours). Alors que s’il faut bien réformer, il n’y a pas pour autant d’urgence vitale. Il fallait donc donner du temps au temps, même s’il y a eu la bordélisation que l’on sait à l’Assemblée Nationale à cause des Insoumis essentiellement (totalement immatures, qui insultent le Ministre Olivier DUSSOPT ainsi que certains autres Ministres, et qui appellent à l’insurrection en appelant quasiment explicitement à la violence contre le Ministre DUSSOPT en marchant et piétinant un ballon gonflable à son effigie et à celle d’Emmanuel MACRON [car il figurait aussi sur le ballon en question à un autre endroit]). Sauf que le Gouvernement, qui veut faire rentrer en application sa réforme dès cette année (les autres réformes ne sont pas entrées en application tout de suite, la dernière en date, la réforme dite TOURAINE, du nom de la Ministre Marisol TOURAINE, ne l’a été que quelques années après), a tout fait pour limiter le débat, et aller au plus vite, à la hussarde finalement. Exit les partenaires sociaux et leurs propositions en un claquement de doigt ou presque. Exit le débat Parlementaire serein et avec le temps nécessaire pour le faire.
Le Gouvernement a en effet dégainé le premier alinéa du 47ème article de notre Constitution, qui prévoit que l’on ait 50 jours MAXIMUM pour tout analyser, navettes Parlementaires comprises, débats à l’Assemblée Nationale et au Sénat inclus, etc. Mais on ne peut le dégainer que pour un projet de loi budgétaire. Or le Gouvernement a voulu faire passer son texte en texte budgétaire (PLRFSS [Projet de Loi Rectificatif de Financement de la Sécurité Sociale]), ce qui lui permet malgré cet alinéa, d’utiliser en plus le troisième alinéa du 49ème article de la Constitution où le Gouvernement engage sa responsabilité et où le texte est adopté sans vote si aucune Motion de Censure n’est déposée, ou si aucune n’est adoptée si certaines le sont. Et dans la version actuelle de notre Constitution, il ne peut l’utiliser qu’une seule fois par session, SAUF en cas de projets de loi Budgétaire où il peut le dégainer autant de fois qu’il le souhaite. Il ne grille donc pas sa cartouche en l’utilisant ici ! Et il a déjà usé de ce que l’on appelle le «49.3» pas moins de onze fois contre 28 en tout pour Michel ROCARD sur près de trois années à Matignon. Le record risque donc d’être pulvérisé.
Le dit article encadre donc le débat dans le temps, ce qui fait qu’il y a quinze jours, pas un de plus pour examiner le texte à l’Assemblée Nationale par exemple. Si au bout des quinze jours, le texte n’est pas adopté, le texte est réputé adopté et part au Sénat sans qu’on aille plus loin dans les débats, qui s’arrêtent automatiquement à minuit le soir du quinzième jour ! Comme pour les Niches Parlementaires (les jours où les Groupes Parlementaires peuvent déposer leurs propres propositions de loi, ce qui arrive le jeudi une fois par mois si je ne dis pas de bêtises). Sauf que dans le cas des Niches, si le texte n’est pas adopté, la discussion en reste là et peut reprendre au même endroit lors de la prochaine Niche du Groupe (c’est ce qui se passera avec le texte de réintégration des soignants porté par Caroline FIAT, la Députée Insoumise de Meurthe-et-Moselle, une des rares à être censée et ne pas faire d’oukase permanent au sein du Groupe LFI). Pas là. Et c’est ce qui s’est passé, le texte n’ayant pas pu être complètement examiné à cause de l’obstruction des Insoumis et de la NUPES. Au Sénat, la NUPES, bien plus calme (c’est aussi la tradition de la maison), a voulu déposer pas énormément d’amendements mais n’a pas bordéliser les débats et c’est heureux. Du coup, puisque le Gouvernement voulait absolument arriver à l’adoption de son texte, il a dégainé le troisième alinéa du 44ème article de notre Constitution, qui provoque un vote unique. En clair, si un Amendement n’est pas du Gouvernement ou si le Gouvernement ne l’a pas approuvé («avis favorable du Gouvernement» comme on dit), l’amendement tombe d’office et n’est donc pas examiné ni soumis au vote. Il y en a donc eu un sacré paquet. Olivier DUSSOPT a justifié le recours à cet alinéa devant la volonté de la Gauche d’empêcher qu’on aille jusqu’au vote du texte. De quoi cristalliser un peu plus encore les oppositions et les opposants à ce texte tel qu’il est proposé. On a donc pu aller jusqu’au vote à la Haute Assemblée, mais au forceps et au pas de charge malheureusement.
Arrive alors la CMP. Elle est composée de sept Députés et autant de Sénateurs qui sont issus des Groupes des deux Chambres du Parlement en proportion du poids de leur Groupe dans leur Chambres respectives. Et elle a approuvé le texte à une large majorité (les seuls ayant voté contre étant les représentants de la NUPES et du RN). Partant, vu ce qui s’était passé à l’Assemblée, vu les oppositions à ce texte au sein de la Chambre basse et vu ce qu’ont dit certains Députés LR et les membres de LIOT, y allait-il avoir une majorité au Sénat ET à l’Assemblée Nationale ? Pas sûr. Oui, au Sénat, il y en avait une, et on l’a vu. Mais pour le Palais Bourbon, c’est nettement moins sûr. Du coup, que faire ? Passer immédiatement en force en quelque sorte dès après la CMP et son vote en dégainant le 49.3, aller jusqu’au vote des deux Chambres, ou bien comme cela a été fait dégainer le fameux 49.3 au dernier moment, donnant l’impression d’avoir peur et, passez-moi l’expression, «chier dans son froc» au point d’avoir la trouille du vote démocratique Parlementaire ? Le recours au 49.3 juste après la CMP aurait eu le mérite d’être assez acceptable. «Nous ne sommes pas sûrs d’avoir la majorité à l’Assemblée Nationale, partant, nous dégainons le 49.3 directement pour l’adopter». Mais le faire au moment où cela l’a été est tout bonnement suicidaire. Et le Gouvernement l’a fait sans penser aux conséquences ! Il serait allé jusqu’au vote, cela serait passé ou aurait cassé. Peu importe, mais au moins il serait allé jusqu’au bout du vote et cela aurait gommé cette image de réforme faite un peu à la va-vite puisqu’il s’en serait remis au vote du Parlement. Et si cela était passé, la CFDT et les autres syndicats réformistes auraient rangé banderoles et appels aux manifestations. Marylise LÉON l’avait dit elle-même !

Sauf qu’ils ne l’ont pas fait, et en passant à la hussarde, comme des trouillards du résultat du vote des Députés, ils ont remis une pièce dans l’appareil et ont revigoré les syndicats réformistes qui ont du coup continuer à appeler à des manifestations et grèves (sans appeler au blocage du pays ni à quelque violence que ce soit [les syndicats ont d’ailleurs été responsables jusqu’ici, sauf peut-être Sud Rail et par moments la CGT qui avait appelé à des coupures de courant ciblées mais totalement illégales]). Ils ont mis en rogne nombre de Français (nous sommes déjà difficilement gouvernables dixit le Général de GAULLE en son temps, alors ce n’est pas la peine de nous braquer !) et ont encore plus fracturé la France qu’elle ne l’est déjà. Le mouvement des Gilets Jaunes a énormément fracturé le pays (MACRON a laissé pourrir la situation au lieu de chercher à l’apaiser et la calmer), la COVID et le fameux Pass Vaccinal (une honteuse manière de rendre la vaccination obligatoire sans le dire ni le faire explicitement) ont encore plus fracturé la société (il y a certainement eu des ruptures dans des couples à cause de cela). Et maintenant, on finit d’achever de fracturer la société et la population Française avec cette réforme et la manière dont elle a été faite et menée. On n’avait vraiment pas besoin de cela vu le conflit en Ukraine (où ce n’est absolument pas blanc ou noir, bien loin de là !), vu ce qui se prépare et pourrait bien nous péter à la figure à Taïwan (le renforcement du budget militaire de la Chine quasiment comme jamais devrait alerter, surtout que les dirigeants Chinois ont redit dans la foulée que Taïwan est Chinoise et que la «famille» allait «être réunifiée» prochainement [Sic]).
Jugez plutôt : 47.1, puis 44.3 au Sénat, puis, naufrage en rase campagne, 49.3 à l’Assemblée Nationale à la dernière minute (même la rapporteure du texte Stéphanie RIST, la Députée de la 1ère Circonscription du Loiret, a dit en conférence de presse dans sa permanence ici sur Orléans Métropole qu’elle n’a appris la chose que quelques minutes avant l’annonce d’Élisabeth BORNE à la tribune de l’Assemblée et l’a regrettée, disant qu’elle aurait préférée qu’on aille jusqu’au vote [je pense au passage, que le texte serait passé malgré tout, de justesse, certes, mais tout de même]). Si avec ça, vous pensez emporter l’adhésion des Français vu le texte, vous vous trompez lourdement. Ajoutez à cela l’impression de déconnexion totale qu’a donné Emmanuel MACRON lors de son entretien du 22 mars et vous avez la totale. Il a en effet menti en parfaite connaissance de cause en disant que les syndicats ne lui avaient fait aucune proposition alternative. Laurent BERGER, qui est pourtant d’ordinaire mesuré, est sorti de ses gonds et a traité le Président de «menteur» dans un tweet virulent mais tellement vrai dans le fond. Il était plus mesuré le soir au 20h de France 2 sur la forme, mais n’en pensait pas moins toujours la même chose sur le fond. Le Président a également dit qu’il ne reviendrait pas sur sa réforme, qu’il souhaitait la voir en application à la fin de l’année, et qu’il ne souhaitait pas la faire mais n’avait pas le choix (il fallait oser le dire comme il l’a dit). Il aurait dès le départ, dit que sa réforme (au départ sociétale, puis sociale, puis de justice, ensuite nécessaire, avant de devenir indispensable, puis financière, puis d’équilibre budgétaire) était là pour en fait satisfaire les marchés, et pouvoir ainsi continuer à emprunter à moindre coût pour financer d’autres réformes qui vont coûter nettement plus cher que ne rapportera cette réforme, surtout après les concessions et cadeaux faits aux uns et aux autres (on parle de 10 milliards d’économies contre 17 prévus au départ, et du coup, il faudra remettre l’ouvrage sur le tapis en 2030 [on prend les mêmes et on recommence en d’autres termes]), cela pouvait s’entendre, dixit le politologue Luc GRAS. Au moins, on savait exactement pourquoi la réforme était faite. Sauf que là, tel n’est pas le cas, puisqu’on ne sait pas, officiellement du moins (officieusement, beaucoup ont compris, et moi avec), le pourquoi du comment de la réforme telle qu’elle est faite.
Il y avait pourtant d’autres moyens de la faire : déjà en étant plus juste socialement (les carrières longues, l’index Senior fait différemment, les femmes ayant eu des carrières hachées), ensuite en proposant une alternative qui est de se baser sur la durée de cotisation et non sur l’âge de départ en retraite en plus. Je l’ai dit plus haut, en allongeant la durée de cotisation, on augmente mathématiquement l’âge de départ en retraite, et ça passe bien mieux. C’est ce qu’ont proposé nombre de Députés dont Charles de COURSON, le doyen de l’Assemblée Nationale, pas par l’âge mais par la durée de mandat qui est la sienne (il est en effet Député depuis plus de 30 ans consécutivement, et c’est le seul à l’être à date, ce qui fait qu’il est respecté et craint par tous ses pairs, parce qu’il connaît par cœur le fonctionnement du Palais Bourbon mais aussi le Code Général des Impôts). Pourquoi ne pas l’avoir fait ? Cela permettait d’emporter l’adhésion de nombre de Parlementaires de Droite, de ne pas braquer les syndicats réformistes et d’avoir l’assentiment d’une partie nettement plus grande de la population Française. S’entendre annoncer qu’on va devoir travailler plus longtemps n’est jamais bien agréable mais c’est nécessaire, alors si c’est bien fait, et surtout si c’est bien expliqué (ce qui n’a pas été le cas ici), ça passe.

Ici, tel n’a pas été le cas, puisqu’il a fallu en recourir au 49.3 pour faire adopter le texte. Du coup, deux motions de censure ont été déposées. L’une par le RN, défendue par Laure LAVALETTE, l’autre transpartisane par LIOT (les Insoumis ont du coup annoncé ne pas en déposer pour la soutenir) défendue par Charles de COURSON. Celle du RN a recueilli 94 voix, celle de LIOT en a recueilli 278. Il y a 577 Députés normalement à l’Assemblée, mais quatre ont vu leur élection de juin dernier invalidée. Il n’y en a donc plus que 573. Or pour que la motion de censure soit adoptée, il faut qu’elle recueille la majorité absolue, non pas des votants, mais des Députés ayant leur mandat en cours. Et seuls les Députés favorables à la motion vont voter en glissant dans l’urne un papier avec un code barre qui permet de les identifier et de valider leur vote pour. C’est ainsi qu’on peut immédiatement avoir le résultat, et qu’on peut savoir qui a voté pour la motion, et donc le nombre de Députés par Groupe Parlementaire. Il y a eu 19 LR favorables à la motion de LIOT, il en aurait fallu neuf de plus. En effet, la majorité étant du coup à 287 du fait des quatre Députés dont l’élection a été invalidée (on revote dans leurs Circonscriptions respectives, et on l’a déjà fait dans d’autres, avec parfois un changement de Député, comme en Moselle où Anne-Sophie FRIGOUT, RN, a du coup perdu son siège), il faut donc au moins ce nombre de Députés qui votent la motion de censure pour qu’elle passe. Et il n’y a pas de pouvoir possible. Le ou la Député(e) doit voter lui-même ou elle-même impérativement ! S’il n’y a pas au moins 287 Députés favorables à la censure, le Gouvernement ne tombe pas. Il s’en est fallu de seulement neuf voix ici ! Et on a vu encore plus serré sous François MITTERRAND puisqu’il y a eu une motion de censure repoussée pour seulement quatre ou cinq voix (je ne sais plus exactement combien). Il s’en est donc fallu de très peu pour que le Gouvernement ne tombe. Mais la Démocratie sort abîmée de cette séquence, la France aussi, son image à l’international également. Bref, personne n’est gagnant de ce triste spectacle !

Pour ma part, je pensais jusqu’ici que reporter l’âge de départ à la retraite à 64 ans était une bonne chose (les Allemands sont passés à 67 ans, d’autres passent à 66 ans, d’autres vont progressivement passer à 70 ans [les Danois en l’occurrence]), mais je commence à me dire que ne plus forcément avoir d’âge légal de départ à la retraite en ayant une durée de cotisation de 43 ans est peut-être une bonne solution. Il faudrait néanmoins ajouter à cela une part de capitalisation. Pas question de tout miser sur la retraite par capitalisation ou à points, mais en inclure une dose, oui, et je pense que c’est nécessaire et qu’on y arrivera tôt ou tard. Affaire à suivre.
En attendant, à cause de l’impasse dans laquelle s’est mise lui-même l’Exécutif et en premier lieu Emmanuel MACRON, la France est à feu et à sang («sommes-nous en train de vivre un nouveau Mai 68 ?» s’interrogeait Thomas JOUBERT sur BFMTV dans son journal de la nuit mercredi soir de mémoire), Élisabeth BORNE est mise à mal (le chef de l’État lui a carrément demandé mercredi dernier d’élargir la Majorité pourquoi pas aux Écologistes [traduire EELV] mais cela paraît peine perdue car impossible, et comment, avec qui précisément pour que ça marche ? Personne ne sait même pas lui si cela se trouve, bref, il l’a envoyé au suicide malheureusement et de manière lâche et irresponsable de mon point de vue), et la sécurité n’est plus assurée correctement par endroits à cause des casseurs et autres blacks-blocs.
Jugez plutôt, on a dû annuler (reporter en fait) la visite du Roi Charles III du Royaume-Uni de Grande-Bretagne, d’Irlande du Nord et du Commonwealth à cause des risques pour sa sécurité et du climat ambiant en France. Naufrage diplomatique, nous sommes la risée du monde entier, et notamment des journaux Britanniques qui n’ont pas de mots assez durs pour analyser la situation du moment en France et l’action d’Emmanuel MACRON. Et ils ne sont pas les seuls puisque le correspondant en France de La Tribune de Genève a publié un éditorial au vitriol sur le recours au 49.3 sur ce texte récemment sur le site de La Tribune de Genève. Et il y a la Coupe du Monde de Rugby à l’automne puis les Jeux Olympiques l’année prochaine à Paris où il y aura bien plus de monde (Charles III et la Reine Consort Camilla sont deux, le monde attendu pour les JO l’année prochaine [au milieu duquel des personnalités et des dirigeants étrangers] est de 600 000 personnes soit… trois cent mille fois plus !). Nous ne sommes pas foutus de pouvoir assurer la sécurité du Souverain Britannique et sa femme, et nous serions capables de l’assurer pour des centaines de milliers de personnes, notamment au bord de la Seine pour la Cérémonie d’Ouverture (bon courage par avance aux personnes concernées au passage) ? Impensable ! Je crains le pire pour ces deux événements de grande ampleur où le monde entier aura les yeux rivés sur nous. Et je pense que je ne suis pas le seul, bien loin de là.

Alors fallait-il faire cette réforme des retraites ? La réponse est OUI, et mille fois OUI ! Fallait-il la faire de cette façon telle qu’elle a été faite ? La réponse est ici NON, et mille fois NON ! Rien ne justifie ni ne saurait justifier la violence quelle qu’elle soit, mais vu la manière dont les choses ont été faites, il n’est pas surprenant que certains y aient malheureusement, mille fois malheureusement, recours. L’Exécutif a donc une très lourde part de responsabilité dans ce qui se passe en ce moment dans le pays, Emmanuel MACRON le premier, qui souffle sur les braises et les attise, notamment lors de son interview de mercredi à la mi-journée, et en a remis une couche jeudi depuis Bruxelles en disant qu’il était prêt à recevoir à nouveau les syndicats pour parler de «tous les sujets» comme il l’a dit, mais sans vouloir ni accepter de revenir sur la réforme et notamment l’âge de départ à la retraite. De quoi continuer de braquer la CFDT et les syndicats réformistes, ce qui est tout sauf ce qu’il faut faire.
Puisse maintenant la France retrouver le chemin de l’apaisement. Ce qui s’est passé à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres est tout bonnement inacceptable (les casseurs et autres abrutis ont carrément incendié des véhicules de Gendarmerie et des forces de l’ordre [!!!]) et ne prête pas à l’optimisme, mais les rassemblements d’opposition à la réforme des retraites se sont eux très bien passés et il n’y a pas eu de débordements cette fois-ci, y compris à Paris (ouf !), et cela prête à l’optimisme, heureusement. Espérons que ça dure et qu’il n’y aura pas d’autres manifestations qui auront lieu bien qu’ayant été interdites (car celle de Sainte-Soline l’était pour des risques graves de troubles à l’ordre public, qui ont bien eu lieu in fine malheureusement) avec les conséquences que l’on sait et a vu ce samedi.
Pour aller plus loin, je vous renvoie à l’éditorial évoqué dans mon article. En voici le lien : https://www.tdg.ch/une-reforme-entachee-dillegitimite-524093066959
Retrouvez ici les échanges sur les motions de censures et les motions de censures elles-mêmes. Celle transpartisane de LIOT a été défendue par Charles de COURSON (lui-même élu de la Marne), celle du RN par Laure LAVALETTE (élue du Var) : https://lcp.fr/programmes/seance-publique-a-l-assemblee-nationale/reforme-des-retraites-le-gouvernement-evite-la
Retrouvez ici la charge de Charles de COURSON contre le Gouvernement via une vidéo du Huffington Post : https://www.youtube.com/watch?v=_grXxJzY9uI&ab_channel=LeHuffPost